« La Louve, le poulpe et la brigade », ce n’est pas le titre d’une fable méconnue de Jean de La Fontaine ! Ce sont les trois partenaires impliqués pour que nos invendus passent à la casserole plutôt que de finir à la poubelle. Présentation.
Dès son ouverture, notre magasin a eu le souci de ne pas jeter aux ordures ses produits invendables… mais loin d’être immangeables*. Grâce à l’implication de Véronique, coopératrice, nous avons d’abord apporté ces invendus à différentes structures : Le Chaînon manquant, Utopia 56, La Cuisine des migrants et MIAA (avec qui Francine, coop désormais salariée, nous a mis en relation). Nous avons ensuite formalisé ces dons en signant une convention de partenariat avec Cœur de femmes puis, cet été, avec la Brigade de solidarité populaire du 18e (BSP18). Plus précisément, parce que la BSP18 n’est pas une association « officielle » mais un collectif informel, c’est avec Le Poulpe que La Louve a signé une convention de partenariat. Poulpe pour Petite organisation utile pour le peuple et l’environnement. Il s’agit d’une ressourcerie, au 4 rue d’Oran, qui abrite également une cuisine, que les brigadistes empruntent pour y concocter des plats pour les personnes en difficulté.
Les Brigades de solidarité populaire se définissent quant à elles comme « un réseau de groupes d’aide mutuelle auto-organisés agissant pour une auto-défense pour le peuple par le peuple ». La première est née à Milan, au début de la pandémie, et elles se sont rapidement multipliées dans de nombreux pays. Leurs principales activités en France consistent à distribuer des masques, du gel hydroalcoolique (qu’elles fabriquent), des colis alimentaires et des repas tout faits, et elles proposent aussi du soutien pédagogique aux enfants en difficulté.
Dans le 18e, le collectif trouve sa source dans le quartier de La Goutte d’or au début du premier confinement alors que, justement, l’eau potable y est coupée dans les rues, à cause du virus. Les personnes déjà précaires le deviennent plus encore. « Les seules personnes qu’on voyait dehors étaient en perdition. Les grosses associations ne passaient plus dans les petites rues, elles n’avaient pas de gel, pas de masques, et il y avait un besoin de nourrir les gens ! », se souvient Joëlle, brigadiste de la première heure et notre interlocutrice pour ces dons. Au plus fort du printemps, le collectif compte jusqu’à 120 bénévoles. Ensuite, avec la reprise des activités « normales », les effectifs ont fondu mais un noyau dur d’une trentaine de membres actifs, autour duquel gravite une vingtaine d’autres participants occasionnels, tient bon. « On aimerait que ça s’arrête mais les besoins sont toujours là… », note Joëlle.
« Les quantités varient selon les saisons, l’affluence du magasin, les éventuelles erreurs de livraison de nos grossistes et d’autres facteurs, mais en moyenne, ce sont entre 10 et 20 kg de fruits et légumes que La Louve donne chaque semaine », mentionne Antoine, notre salarié en charge de ces invendus. S’y ajoutent des produits secs, produits d’hygiène et d’entretien dont les emballages sont abîmés ou dont une partie du contenu s’est évaporé et quelques produits frais (yaourts, fromage…). Avantage pour nous de confier nos invendus à la BSP18, ne nous le cachons pas : c’est eux qui viennent les chercher et non nous qui devons leur apporter…
Entre La Louve et leur deuxième partenaire, un primeur Au Bout du champ du 17e arrondissement, les brigadistes cuisinent une quarantaine de repas par semaine, tous les mardis, qu’ils distribuent le soir-même dans des hôtels où certains sans-abris trouvent refuge et en maraudant dans la rue. La BSP18 collecte également du pain dans les boulangeries** afin de confectionner des sandwichs et distribue des produits d’hygiène récupérés dans des pharmacies.
Au mois d’août, les brigadistes se sont autorisés quelques vacances, mais nos invendus n’ont pas connu la trêve : « une coop de Saint-Ouen venait tous les deux jours et repartait avec son super vélo-cargo rempli à ras bord pour le Secours populaire de Saint-Ouen, et une femme du quartier de la Goutte d’Or, qui faisait l’intermédiaire avec les familles en difficulté de son immeuble, venait au magasin quotidiennement récupérer yaourts, produits traiteur et même viande avant leur mort programmée du soir, en plus des fruits et légumes. Et même le pain du 4e jour était sauvé grâce à elle : les poules vivant dans la friche de la Goutte d’Or l’ont adoré ! », explique Véronique.
Et parce que ça fait toujours du bien de recevoir des compliments, surtout quand ils viennent de personnes aussi valeureuses que les brigadistes, je vous rapporte le commentaire de Joëlle : « l’esprit qui règne dans cette coop, c’est formidable ! »
*. Depuis 2016, la loi oblige tout magasin de plus de 400 m² à faire don de ses invendus, mais certains commerces ne jouent pas le jeu…
**. Pour boucler la boucle, l’un de nos fournisseurs de pain et également coopérateur, Vincent Bedel, de la boulangerie Pajol, leur donne aussi du pain.