Le 16 novembre 2016, le supermarché coopératif et participatif La Louve ouvrait ses portes. Pour les quelques centaines de coopérateurs à l’époque, c’était l’aboutissement de plusieurs mois, voire d’années d’investissement, mais aussi de bons moments partagés ensemble. Pour fêter cet anniversaire et quelques jours après que nous ayons des coopérateurs avec des numéros à 5 chiffres, nous avons eu envie d’interroger quelques coopérateurs de la première heure, ceux qui ont des tout petits numéros.
Pourquoi avez-vous rejoint La Louve ?
Alice Boussicault (n° 40) :J’ai rejoint La Louve alors qu’elle n’était qu’un groupement d’achat en quête d’un local (je suis arrivée alors qu’on était en pourparlers avec la mairie de Paris pour avoir le local de la Goutte d’Or). Pour plein de raisons, mais avant tout par curiosité pour le modèle coopératif : je bossais alors dans une coopérative en autogestion, j’y constatais un grand nombre de défauts et je voulais voir s’il était possible de les éviter. À ma première rencontre avec Tom, ce qui m’a plu c’est qu’il avait un discours très pragmatique, conscient des risques et des défauts à éviter. Il sortait totalement du discours utopiste et « sauveur du monde » que je retrouvais dans beaucoup d’initiatives alternatives auxquelles je m’étais intéressée. Je me suis dit que ça pouvait marcher.
Avelaine Rezette (n° 39) : C’était une évidence. J’ai découvert la Louve lors de sa campagne de crowdfunding qui avait pour objectif de trouver du financement pour notamment obtenir un premier local (rue de la Goutte d’Or) et je n’ai pas hésité à m’y inscrire. Ce que l’on met dans notre assiette est un sujet central pour moi. Je suis convaincue qu’en se souciant de ce dont on se nourrit, on peut être en meilleure santé et aussi soutenir des filières de fabrication et de culture plus sensées. En résumé, ce que l’on met dans son assiette est un geste quotidien et militant. La Louve propose aussi un modèle non exclusif, ouvert au plus grand nombre, peu importe son pouvoir d’achat. Ce modèle social inclusif m’aura aussi convaincue pour diffuser un mode d’alimentation plus juste le plus largement possible.
Bruno Tardito (n° 149) : Étant conseiller de quartier chargé des commerces pour le quartier, Brian et Tom m’ont présenté le projet dans le café en bas de chez moi, c’était en juillet 2014. J’ai trouvé le projet formidable.
Charley Jonville (n° 249) : Je ne suis pas très engagé politiquement, mais rejoindre La Louve m’a semblé être un moyen d’agir concrètement pour une économie plus juste. Le côté local me plaisait aussi.
Chloé Esdraffo (n° 16) : J’ai rejoint La Louve au début du projet (2011 ou 2012) alors que je commençais tout juste à me demander ce qu’il y avait dans mon assiette et d’où cela pouvait bien venir. Je ne me le disais pas exactement comme ça, mais j’avais envie d’être plus « actrice » de ma consommation.
Christine Régnault (n° 117) : J’ai eu connaissance du projet de La Louve par le biais de ma cousine au moment de l’appel à financement KissKissBankBank. C’était en novembre 2013. Voyant la nature du projet, et que j’habitais à cinq minutes à pied, elle a pensé que ça pouvait m’intéresser. J’ai tout de suite été emballée. Genre le truc que j’attendais depuis longtemps. Au départ, ma motivation pour y participer était le « bien manger » : avoir accès à des produits de qualité avec une certaine éthique envers les producteurs. Je me suis très vite rendue compte qu’au-delà de ça, c’était aussi faire partie d’un groupe qui partageait le sens des valeurs humaines.
Fannie Derenchy (n° 22) : Pour mon travail, je suis allée en 2013 au OuiShare Fest, un rassemblement annuel sur l’économie collaborative. J’y ai entendu Tom présenter La Louve lors d’une conférence pendant le week-end. J’étais en pleine transition personnelle vers des modes de consommation plus durables, en grande partie grâce à des ami·e·s engagées au bureau. L’idée de manger mieux à meilleur prix via un projet collectif à construire ensemble m’a fait grand effet. Le lundi matin, on s’est rendu compte avec mon stagiaire de l’époque qu’il avait aussi entendu cette présentation et eu le même déclic ! On s’est inscrits dans la foulée à l’association et on a rejoint les groupes de travail qui se mettaient en place. (Coucou, Pierre !)
Jean-Paul Lozano (n° 99) : La Louve était, est et restera irrésistible.
C’est quoi La Louve pour vous aujourd’hui ?
Alice : La Louve aujourd’hui, pour moi, c’est un organisme vivant, qui évolue en permanence, qui n’hésite pas à se remettre en question et, grâce à ça, a su se pérenniser et croître. Je regrette juste qu’un des objectifs de Tom et Brian au début n’ait pas abouti, à savoir atteindre une certaine mixité sociale. J’ai rencontré des gens formidables à La Louve mais, il faut bien le dire, elles et ils viennent tous du même milieu… le mien.
Avelaine : Un lieu convivial, utile, pratique où l’on fait des rencontres et où je me sens bien. Je suis fière de faire partie des coopérateur·rice·s de La Louve et de ce modèle !
Bruno : La Louve, aujourd’hui, c’est la rencontre.
Charley : La Louve, c’est l’endroit où je fais mes courses avec plein de produits de qualité à des prix accessibles. La Louve, c’est aussi là où je fais mon service et où je rencontre plein de gens sympas. Je dis souvent d’ailleurs à mes copines/copains célibataires de s’inscrire à La Louve !… ;-).
Chloé : La preuve qu’on avait raison ! Que cela ferait sens et que le projet trouverait son public. Je ne peux malheureusement pas faire mes courses aussi régulièrement que je le voudrais à La Louve. Mais à chaque fois que je m’y rends, je mesure un peu plus à quel point ce supermarché est une sorte d’idéal pour moi. Je dois dire que j’aime beaucoup aller au supermarché 🙂
Christine : Un lieu où l’on trouve des produits de grande qualité, à des prix abordables, sélectionnés par des salariés qui ont à cœur de choisir ce qu’il y a de mieux tout en respectant la diversité des goûts et des budgets.Une formidable équipe de salariés hyper motivés, prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes pour faire en sorte que la boutique tourne (ça a été absolument frappant pendant le premier confinement où ils se sont retrouvés bien seuls). Une communauté de coopérateurs sur laquelle on peut s’appuyer en cas de besoin. Je suis toujours impressionnée de voir le nombre de réponses à une demande d’aide ou à une question posée sur le groupe Facebook. C’est aussi des amitiés qui se sont créées, de multiples occasions de rire, de faire la fête, de discuter. Des rencontres que je n’aurais pas faites ailleurs, en tout cas pas en si grand nombre. Et enfin un formidable espoir. Car ces valeurs, que dans l’ensemble nous partageons – avec certes des disparités – vont nous permettre d’avancer ensemble, plus forts, dans la tourmente économique, sociale, politique, environnementale… qui surviendra (ou pas) dans les années à venir. Non pas dans un recroquevillement mais comme un socle solidaire pour se soutenir les uns les autres et épauler les plus fragilisés, au sein de La Louve comme en-dehors. J’en suis persuadée.
Fannie : C’est d’abord une grande joie de constater à quel point cette idée folle a réussi ! C’est un lieu où j’ai plaisir à faire mes courses parce que j’y trouve plus de respect entre les gens que dans des magasins lambda, parce que j’y ai plusieurs potes, et parce que j’adore plein de produits qu’on a en rayon. C’est enfin un collectif et un projet en évolution constante, toujours aussi engagé, une petite loupiote quand la société peut nous sembler trop sombre.
Jean-Paul : Ça fait du bien.
Qu’est-ce qui vous a marqué le plus depuis quatre ans ?
Alice : Ce qui m’a le plus marquée, c’est la capacité à avancer en faisant. Même si beaucoup de choses avaient été cadrées dès le départ, en s’appuyant sur le modèle de Park Slope, en réalité la majorité de ce qui se fait actuellement à La Louve a été mis en place au fur et à mesure, en s’adaptant à chaque nouvel évènement.
Avelaine : Mes meilleurs souvenirs remontent à avant l’ouverture du supermarché, au temps où l’on testait le modèle à l’échelle de l’association et du groupement d’achat. Je garde un très bon souvenir des livraisons de fruits et légumes incroyables au sein du local de la Goutte d’Or. Les membres étaient très enthousiastes et s’échangeaient des recettes en observant ces superbes produits frais à des prix très attractifs. C’était beau, ça sentait bon, c’était une démonstration concrète de ce que j’attendais de la Louve !
Bruno : Difficile à dire, La Louve, c’est son quotidien.
Charley : Depuis quatre ans ce qui m’a marqué le plus, c’est l’implication hors du commun des salariés. Je suis aussi souvent impressionné de voir à quel point des coopérateurs s’engagent et prennent sur leur temps personnel en plus de leurs services.
Chloé : La croissance, le chemin parcouru et l’efficacité du modèle et sa pérennité.
Christine : Le plus marquant est sans doute la nuit de l’ouverture du magasin. Je me revois avec Isabelle Flégeo dans la réserve, en train de déballer des cartons pour aider Brian à terminer la mise en place en rayon. Un joli cocktail de fatigue et d’excitation pour nous. Et une belle nuit blanche pour Brian !
Elisabeth Callu (n° 50) : C’était à la fin de décembre 2013 et je venais d’adhérer à l’association. Il avait été décidé de profiter des vacances d’hiver pour remettre en état le local de la Goutte d’Or et l’aménager pour les différentes activités prévues (réunions, permanences, retrait des commandes du groupement d’achat…). Les messageries des membres ont commencé à voir arriver des demandes de toutes sortes : dons (peinture, rallonges électriques, matériel de bureau…), prêts (outils, radiateurs…), ou contributions aux différents travaux (nettoyage, débarras, peinture, plomberie, électricité…). Les mails se succédaient. Je n’étais pas en mesure de participer à l’opération mais cette bousculade dans ma messagerie ne me gênait pas. Au contraire, j’ai apprécié la possibilité qui m’était donnée de constater la réactivité des membres de La Louve et leur disponibilité. Elle m’a impressionnée car tout allait très vite : le matériel arrivait, les équipes se constituaient au fur et à mesure des besoins, le travail avançait… L’idée de La Louve, qui m’avait intéressée dès le début dans son principe, apparaissait tout à fait réaliste et réalisable grâce à la capacité d’engagement du collectif qu’elle suscitait. Et cela s’est ensuite répété à de multiples reprises jusqu’à l’ouverture du supermarché, notamment pour l’équipement et l’aménagement du magasin, pendant la « période test »… et même après (ah ! les appui-coops), jusqu’à ce que le système des services se mette en place et prenne le relais d’une manière plus pérenne.
Fannie : À quel point on a grandi, tout en restant robuste. Et aussi, le feuilleton des boîtes à oeufs. Une vraie saga, on doit en être au 200e épisode de la 4e saison. Je ne m’en lasse pas*.
Jean-Paul : Chaque rencontre, chacune, chaque fois que j’ai eu/pris le temps de parler avec les coopérateurs et les coopératrices.
Une anecdote à partager ?
Alice : Pas vraiment une anecdote, mais une question qui revenait à chaque ré’ac’ [réunion d’accueil, ndlr] et qui n’a jamais cessé de me faire halluciner : « Pour les services, ça va être compliqué pour moi et je me demandais comment faire, parce que je suis dans un cas un peu particulier : je travaille de 9 h à 18 h du lundi au vendredi… ». Est-ce que les coopérateurs de La Louve se sentent tous aussi uniques ???
Avelaine : Je me suis faite une super amie (Anaïs ^^).
Bruno : Assister aux réunions des financeurs au local de Barbès, tous assis sur les petits tabourets bleus en plastique. Au fait, que sont-ils devenus ?
Charley : Au parc où j’accompagne mes enfants après l’école, je parlais souvent de La Louve à une maman sans trop la convaincre. Et puis un jour mon fils lui a fait goûter les mangues séchées de La Louve. Quelques mois plus tard, Caroline devenait membre 😉
Chloé : Quand j’ai rencontré Tom, je lui ai dit que je m’interrogeais sur ma consommation, que j’avais envie de rejoindre le projet, mais que j’adorais aussi boire une bière en mangeant des chips. « Ce projet est fait pour toi ! », ça a été la réponse de Tom. Tant que La Louve restera un projet ouvert, qui ne donne pas de leçon et ne fait pas la morale, je m’y retrouverai. Et aussi, une de nos premières réunions, dans mon jardin à Aubervilliers, un super souvenir sous le soleil de Seine-Saint-Denis ! Les débuts et un groupe vraiment chouette !
Christine : Une multitudes de petites choses au fil des années, surtout pendant la période du local de la Goutte d’Or : les soirées et les samedis d’effervescence passés avec l’équipe du GRALL** (Avelaine, Anaïs, Jean-Paul, Alice, Albane, Brian…), la découverte des nouveaux produits que je goûtais abondamment. C’est à cette période que j’ai commencé à prendre du poids. La charcuterie et le fromage de vache qui ne faisaient plus partie de ma vie depuis 20 ans ont refait leur apparition dans mon frigo. Heureusement je suis en train de les reperdre. Ouf !
Fannie : J’ai une amie qui dit qu’elle connaît des célébrités parce qu’elle me connaît et que j’ai un tout petit numéro à La Louve. C’est vraiment une amie sympa.
Jean-Paul : Première distribution rue de la Goutte d’Or : imprimante en panne, tous les docs étaient sur une clé, à quelques pas, une boutique de téléphonie, photocopie… qui nous a sauvés en quelques minutes ! C’est ça, La Louve : la possibilité d’un imprévu, l’assurance de solutions bienveillantes, intelligentes, simples, pratiques…
Pas besoin d’avoir un petit numéro de coopérateur pour avoir des anecdotes à raconter ! Rendez-vous sur le forum pour les partager.
Notes de la rédaction
*Les boîtes à œufs vides nous servent à recomposer des boîtes quand il y a de la casse, ou elles peuvent être utilisées par les membres qui achètent des œufs en vrac. Fannie évoque la saga des boîtes à œufs, car nous n’arrivons pas vraiment à avoir un stock stable et raisonnable de boîtes : soit nous n’en avons pas ou pas assez, soit nous en avons beaucoup trop. Quand nous n’en avons plus, on fait des appels auprès des membres sur Facebook. Du coup, il nous arrive d’en avoir beaucoup beaucoup, et on doit demander d’arrêter de nous en apporter !
**Le GRALL était le groupement d’achat des Amis de La Louve. Lorsque le supermarché était un projet encore un peu lointain et avant l’épicerie éphémère, il permettait aux premiers membres de s’approvisionner toutes les deux semaines, de choisir et goûter les premiers produits et, déjà, de s’exercer. Et à l’époque, il portait bien son nom !