Rémus et Romulus sont deux enfants de la Louve. Ensemble, ils vous proposent de partir à la rencontre des producteurs qui nous nourrissent. Voici leur première chronique.

« – Est-ce qu’on pourrait vous interviewer et prendre quelques photos ?

– C’est d’accord. »

Yallah ! Notre premier rendez-vous est pris. Nous allons visiter une ferme, celle qui livre trois fois par semaine des endives, des champignons de Paris, des pleurotes et des shitakés à la Louve. Nous rêvons déjà de gambader dans une exploitation champêtre, en lisière de sous-bois… Normandie ? Picardie ?

Non. Ce sera un rendez-vous rue Raymond Queneau, dans le 18ème. À 15 minutes à pied du supermarché…

« Vous entrerez par le parking » nous dit Jean-Noël, qui a fondé la ferme.

Nous sommes frustrés. Nos envies de campagne attendront. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises : un immeuble de vingt étages, une descente de parking absolument banale, mis à part l’énorme benne de compost au milieu du passage… Et au deuxième sous-sol, un choc : l’entrée de La Caverne, aux allures de boîte underground des années 1980.

C’est ici que sont produits les champignons et les endives de la Louve. Si le localisme est votre religion, vous êtes au bon endroit : tout est livré le jour de la récolte, à vélo et sans intermédiaire. Impossible de faire plus frais !

Nous découvrons d’abord les endives, cette salade « artificielle » inventée au XIXe siècle… D’après la légende, un paysan belge faisait pousser ses chicons dans le noir pour les cacher au fisc. Ainsi serait née l’endive, salade émergeant de la racine à l’occasion d’une pousse forcée. Nous nous amusons à en prendre des clichés en light painting.

À la Caverne, les endives poussent dans des racks en étagères, arrosées par de l’eau en circuit fermé, de manière à limiter leur impact hydrique. A maturité, l’endive est triée : les plus belles partent en catégorie 1, notamment à la Louve ; les moins régulières en catégorie 2. La ligne de triage est la plus minimaliste et la plus mignonne que l’on puisse imaginer.

Puis il y a les champignons : à partir de blocs de paille bio dans lesquels des spores sont insérées, des grappes de pleurotes et de shitakés surgissent de tous côtés. Ces champignons n’ont pas besoin d’être arrosés : ils captent la vapeur d’eau présente dans l’air ambiant. Une culture parfaitement adaptée à un parking donc, puisqu’il y fait frais et humide, et un aliment très écologique.

Les champignons n’ont pas besoin de lumière  non plus ! Mais pour retourner les blocs de paille, il faut bien qu’on y voie quelque chose… Alors on les éclaire à la LED 6 heures par jour.

Cela donne d’ailleurs leur couleur brune aux shitakés qui, dans le noir, seraient blancs comme des endives. Et d’après Jean-Noël, les consommateurs sont attachés à cette pigmentation. Les exigences du marché s’imposent partout…

Les champignons de Paris, eux, poussent sur un second site, rue Mathis, dans le XIXe. Les cubes de compost y sont étalés sur 1000 m2 ; ils sont ensuite recouverts d’une tourbe qui leur sert de réserve d’eau.

À la Caverne, tout est bio : pas d’engrais chimique pour les endives, pas de gaz moutarde pour les champignons (comme c’est hélas le cas dans l’agriculture conventionnelle). Les insectes sont attrapés par de simples papiers collants, ces grands carrés jaunes sur les photos ; ce n’est pas l’arme du siècle, mais contrairement aux pesticides, ça n’altère pas le goût du produit et ça nous évite d’avaler des résidus de produits chimiques.

On ressort de la Caverne avec un autre regard sur l’agriculture. Évidemment, on ne peut pas imaginer nourrir tout Paris avec des produits locaux… Mais cette ferme urbaine parvient à produire bio, en ville, des aliments goûteux à un tarif compétitif. Ce qui nous semble extraordinaire.

Il faut être fou pour fonder un lieu pareil ! C’est comme si on envisageait de créer un supermarché coopératif géant en pleine ville, où cinq mille clients travailleraient eux-mêmes… Bah, à quoi sert de rêver ? Oublions ça.

Rémus est écrivain et membre de la Louve depuis 2015. Il craque pour les fromages italiens, les pommes Ariane et le saumon du magasin. Romulus, alias Nikola Krtolica, est photographe professionnel et membre de la Louve depuis 2017. Il voue un culte aux anones, aux fromages et aux bières de nos rayons.

Vous savez dessiner et vous souhaitez participer à une prochaine vadrouille de Rémus et Romulus chez nos producteurs ? Écrivez-nous.