L’appel fait en juillet par Hari pour créer un comité « Culture coopérative et démocratique à La Louve » m’avait donné envie de réagir. Je l’ai fait, sur Facebook, en amont de l’AG de septembre. Je reprends ici mon propos en 5 points condensés.

Qui suis-je ? Une coopératrice de la (presque) première heure, très impliquée dans la coordination des groupes de travail et la mise en place de l’AG jusqu’à l’ouverture du magasin. Depuis, coop et coordo heureuse, attachée plus que jamais à l’esprit du projet !

1/5 Les organes de gouvernance de La Louve ont été dessinés au service d’un projet.

Pour les comparer et juger de leur pertinence, il faut rappeler les principes sur lesquels ce projet a été bâti.

  • La mission de l’Association « Les Amis de La Louve » sur l’Éducation populaire est le pendant indispensable de l « Interdit d’interdire » qui prévaut dans le magasin pour garantir l’accès de tous, donc l’inclusion sociale. L’Asso doit offrir de l’information, de la formation du partage, afin que nous puissions tous avancer, quel que soit l’endroit où nous nous trouvons sur le chemin. Son rôle est donc essentiel.
  • La faiblesse du Comité de gouvernance, réduit au minimum légal, est voulue, pour laisser sa souveraineté à l’Assemblée Générale.
  • Pour que « AG souveraine » ne reste pas un vain mot, nous avons créé le Comité Ordre du jour, avec un rôle à la fois pédagogique et très opérationnel : c’est la porte d’entrée vers l’AG pour chaque coop. qui veut partager une critique, une réflexion ou une proposition à mettre en oeuvre. Le Comité Ordre du Jour doit examiner TOUTES les questions, selon des règles votées en AG fin 2016.
  • L’équipe des salarié.e.s mandatée par l’AG est autonome. Ce sont les acheteurs et les observateurs des pratiques d’achats réelles des coops. Ils sont en charge également de l’équilibre financier dans le cadre des prévisions votées par l’AG. Si l’équipe n’est pas une instance légale, elle est néanmoins au cœur du fonctionnement. Les salariés rendent compte aux coops, le dialogue avec eux est très important, la confiance aussi.
  • Les comités de bénévoles, créés ou à créer sont prévus, avec une validation par l’AG : voir page 13 du guide dans lequel est décrit tout le système de gouvernance

Nous ne partageons ces finalités complètement qu’avec PSFC, d’où la référence systématique que nous y faisons. Les autres comparaisons doivent être contextualisées. Reste à faire fonctionner tout cela !
Lire le modèle Park Slope

2/5 : Donnons une place centrale à l’Assemblée Générale

Qu’il s’agisse de critiques, d’idées, d’études à partager, ou de propositions à mettre en œuvre, tous les sujets doivent être ramenés vers l’AG sous peine de la dévitaliser. Je rappelle sa légitimité unique (quel que soit le nombre de participants), sa transparence (CR exhaustifs) et sa transversalité (c’est le seul endroit où l’ensemble de nos subjectivités s’annule !). Il faut se former au processus démocratique prévu en AG, ce n’est pas trivial, et le CODJ fait aussi des efforts de pédagogie. Surtout, assistons aux AG dans la mesure où nous avons de l’intérêt pour les sujets à l’ordre du jour ou des critiques à faire ! Le premier essai d’AG en ligne m’a semblé très intéressant et procure une belle occasion de rafraîchir la formule.

3/5 : Que nous parlions de gouvernance ou d’autre chose, faisons-le avec douceur et j’ose dire TENDRESSE ! Ouvrons la boîte à outils de l’intelligence horizontale.

Les conflits sont utiles et stimulants mais ils font trop souvent des blessé.e.s dans tous les camps ! La boîte à outils de l’intelligence horizontale est désormais bien garnie, faisons-la entrer à La Louve. Dans la phase de construction du projet notre comité “méthode/organisation” a pioché ici : (http://universite-du-nous.org/a-propos-udn/ses-outils/). Aujourd’hui, Il y a sûrement parmi nous des expert·e·s de la Communication Non Violente, de la Gestion des conflits, et de tout ce qui peut mettre en valeur nos différentes visions du monde, toutes légitimes. C’est l’approche relationnelle la plus adaptée au monde en transition dans lequel nous vivons. C’est une forme de culture coopérative qui a de l’importance pour tout le reste, y compris dans l’expérience (agréable ou non) que nous faisons dans le magasin, et jusqu’à nos vies perso !

4/5: La Louve nous offre un terrain exceptionnel pour associer le Dire et le Faire.

« Rien n’existe dans notre intelligence qui n’ait d’abord été dans nos sens. » dit Démocrite cité par l’Université du Nous. De la même façon que c’est en faisant du vélo que l’on développe une attitude de cycliste puis une opinion de cycliste, il est utile pour développer notre conviction de coopérateur·trice d’en être un·e sur le terrain.
Raison de plus pour se souvenir que dans la racine du mot Démocratie, il y a le Territoire autant que le Peuple et le Pouvoir. La Louve est un territoire qui permet justement de combiner le « Dire » et le « Faire ». Le “Faire”, c’est autant d’actions possibles dans le magasin ou avec l’association que d’initiatives dans le formidable réseau que nous représentons. La faute au Covid si tout cela s’est tu… Donc mêlons toujours l’action de terrain, le dialogue direct (même masqué.e.s) avec la réflexion/expression derrière nos ordinateurs.

Il me tarde de voir revenir la convivialité, qu’elle soit organisée ou informelle. Quant à la communication, elle nous manque aussi. Nous avons besoin d’échanges plus libres, plus variés, façon PSFC. Dès que je fini cet article en mon nom propre, je rejoins Isabelle Flégeo et le comité communication pour y contribuer !

5/5 : la gouvernance se fait AVEC l’équipe des salarié·es (ni contre, ni sans)

Les salarié·es sont aussi coopérateurs·trices, donc traversé.es par les mêmes sujets que nous. Il ne faut pas les mettre à l’écart… d’autant que l’Information est souvent de leur côté (et l’Opinion du nôtre). Nous avons un énorme besoin de communication avec elles et eux. Mais ils sont en petit nombre (80 à PSFC, 10 chez nous, soit 2 fois moins si l’on considère qu’il y a 17 000 coops actifs à PSFC et 5000 chez nous). Leur indisponibilité est à la source de déceptions. Il faut donc penser systématiquement à apporter les ressources correspondant à chaque demande : plusieurs comités font déjà énormément (réunion d’infos, appuis coops, coordos, groupe communication, démarrage du travail sur le vrac..) je ne les connais pas tous mais Merci. Les propositions faites à l’AG en ligne du 13 octobre sont bien alignées sur ce principe. Dans ce contexte, à nos idées pour développer les échanges avec l’équipe, dans le magasin et en AG !

Les salarié·e·s prennent des décisions collectives et même beaucoup, chaque jour, et heureusement : si La Louve traverse l’épisode Covid haut la main, c’est tout sauf naturel. Leurs choix, bons ou mauvais, doivent être mis à l’échelle dans ce tableau global. Et comme statutairement ils rendent compte aux coopérateurs, retour direct à l’AG si l’on doit leur faire questions ou reproches.

J’en viens au coeur du sujet : sommes-nous dans une autocratie où tout est décidé d’avance et mis en oeuvre par les salari·é·s ? Certainement pas, mais un point au moins est difficile à remettre en cause : la diversité des produits et des provenances, liée à notre modèle PSFC/LA LOUVE. Donc les mêmes questions auront souvent les mêmes réponses, cela peut être frustrant.

Je fais un plaidoyer : si ce modèle m’a aimantée, (beaucoup plus que l’idée d’un petit magasin de producteurs locaux) c’est parce que je l’ai trouvé très démocratique, inclusif, basé sur la confiance, notre intelligence collective, nos apprentissages, notre cohérence, et notre vrai pouvoir d’action. C’est-à-dire ce qu’il faut pour que notre société se transforme.

Le reste : les décisions d’une partie pour le tout, les règles, les cadres politiques sans transformations personnelles, ont déjà été essayés et ça n’a pas bien marché. Personnellement, la perspective d’apprendre me stimule, les règles et les oukases siphonnent mon énergie…

Concernant les produits : les salariés ont mandat de faire évoluer le contenu de nos rayons vers le mieux de tout (bon gustativement, 0 carbone, équitable, prix bas..) dès que possible, avec leurs connaissances, l’offre nouvelle des fournisseurs et nos suggestions.

Nos comportements d’achat à l’échelle des 5000 coops actifs sont l’autre source de changement. Tous les partages, formations et information pour les faire évoluer sont les bienvenus.

Donc parlons gouvernance et démocratie, mais avec une prise en compte de la complexité, une réelle responsabilité personnelle et de la congruence derrière nos mots. C’est déjà tout un chemin, il a déjà fait merveille et fera toujours la différence.