Du magasin coopératif à la ferme collective : Mathilde raconte son nouveau projet

Mathilde, salariée de La Louve, se lance dans une nouvelle aventure. Elle nous raconte la genèse de son projet et en profite revenir sur son histoire avec La Louve… dont un épisode marquant impliquant une palette de roche volcanique.

J’ai rejoint La Louve le 30 octobre 2013, trois ans avant l’ouverture du magasin. Aujourd’hui, je m’apprête à partir après 11 ans d’investissement dans le projet, dont 7 ans en tant que salariée : le 28 septembre sera mon dernier jour à La Louve. J’ai décidé de me lancer dans un nouveau projet de ferme collective et je commence une formation d’un an en octobre… Le 30 octobre, très précisément ! Cette belle coïncidence m’a donné envie de vous raconter comment j’en suis arrivée là…

J’ai rejoint La Louve car j’aime bien manger. Et bien manger pour moins cher, encore plus ! Le 30 octobre 2013, donc, je participe à ma première AG de l’association Les Amis de La Louve, dans le 19e. J’ai tout de suite rejoint Matthieu au groupe Accueil quartier, chargé de faire connaître La Louve avant l’ouverture du magasin : portes ouvertes, permanences, stands dans les halls d’immeuble ou sur les vide-greniers… J’étais très investie et déjà passionnée par le projet. Le magasin a ouvert en novembre 2016, et quelque mois plus tard, l’équipe m’a proposé d’être la prochaine salariée. J’ai dit ok ! J’avais 29 ans, la plus jeune salariée de La Louve à l’époque. Quand tu regardes les photos des AGs de l’époque, j’ai vraiment l’air d’un bébé…

Dès le début, la mobilisation des bénévoles était incroyable. Ce qui m’a énormément portée au départ, c’est de voir tout ce qu’on arrivait à faire durant ces premiers mois, juste parce qu’on mettait en lien nos connaissances, notre réseau, notre temps, notre argent, notre énergie – c’était fou. Un de mes moments les plus forts reste cette première grande réunion d’accueil de La Louve, le 5 juillet 2016 : 700 personnes serrées dans cette salle du 19e, on a dû mettre 4 écrans… Il y avait quelque chose de très fort ce jour-là. J’avais ressenti la même excitation, ou la même force (je ne sais pas comment la décrire) lorsque nous avions organisé une fête dans le parc à côté de La Louve : le sentiment de pouvoir faire de belles choses quand on est porté par les mêmes envies et une belle énergie commune.

Je suis contente d’avoir participé à faire grandir la Louve. C’est chouette d’avoir pu voir les choses se mettre en place au fur et à mesure des années. Un vrai tournant a été enclenché quand on a commencé à proposer des produits conventionnels : avant de travailler avec Diapar, on était un magasin cher. Quand le conventionnel est arrivé, ça a vraiment tout changé : le magasin est devenu plus accessible et ça a marqué le début du moment où les gens ont pu faire toutes leurs courses à La Louve, un énorme atout.

J’ai fait beaucoup de choses différentes à La Louve. Les commandes de fruits et légumes, le rayon frais, les commandes d’épicerie, le planning avec Jeanne, le bureau des membres avant l’arrivée de Marie-Claire, le lien avec les coordos, la communication avec la gestion de La Louvelettter… La multi polyvalence du poste est vraiment géniale. Ce que je préfère dans ce métier c’est le contact humain, toujours ultra motivant mais parfois épuisant ! Ça m’arrivait de rentrer le soir et de dire à ma coloc « désolée, je ne suis plus capable de parler ce soir ». Enfin, la marge de progression est énorme : tu as toujours envie de faire mieux. Quand j’ai visité la Park Slope en 2017, j’ai vu tout ce qu’on pouvait encore faire. Je sais que dans 10 ans, on aura encore des choses à inventer et à améliorer.

Je pensais que je resterais à La Louve toute ma vie, mais j’ai trouvé un projet qui me passionne encore plus. En 2022, j’ai fait ma première expérience de wwoofing en fermes collectives. Ça m’a retourné le cerveau dès les premiers jours. Je me suis sentie trop bien ! Je pensais que la campagne c’était mort et qu’il ne s’y passait rien, mais j’ai eu la chance de tomber dans des campagnes très alternatives où je pourrais même avoir plus de vie sociale qu’à Paris ! J’ai choisi des fermes en polyculture élevage, pour faire plein de tâches différentes : vu mon expérience dans un commerce de bouche, je trouvais ça intéressant de voir comment on fait du pain, du miel, du fromage… En une année, d’avril à août, j’ai fait deux fermes en Ariège, une dans les baronnies provençales et une en Aveyron. J’ai adoré le côté “faire par soi-même” : je suis passée par des collectifs qui visaient l’autonomie alimentaire, et parfois même l’autonomie énergétique. J’ai des collègues en or : j’ai pris des congés sans solde et ils ont absorbé ma charge de travail, puis on a fini par se partager un poste avec Mathieu pour que je puisse tester encore un peu ce nouveau projet. Je suis repartie faire du wwoofing en février 2023 et au bout de 3 jours, j’étais sûre que c’était bien ce que je voulais faire de ma vie.

Le 30 octobre 2024, j’attaque une formation d’un an à Clermont-Ferrand qui permet d’avoir la capacité agricole, Pratiques Paysannes. Je vais avoir quelques périodes de cours et le reste du temps je serai en stage. J’ai choisi de me concentrer sur l’élevage bovin et la transformation fromagère avec du lait de vache. L’objectif est d’arriver à affiner mes envies d’installation en termes de territoire, car j’ai des critères mais je ne sais pas où exactement je veux m’installer. Je sais juste que je cherche une ferme collective, héritage naturel de La Louve !

Je repars de La Louve avec énormément de soutien. De la part de mes collègues, bien sûr, mais pas que : quand j’ai commencé à parler de mon projet, j’ai vraiment halluciné de tous ces gens qui m’encouragent, qui me disent que c’est génial, qu’ils viendront me voir dans ma future ferme… J’ai l’impression d’être au niveau zéro de mon projet, mais pour les gens ça a l’air acquis que ça va le faire ! Toutes ces personnes qui me souhaitent plein de bonnes choses, ça me touche beaucoup.

En 11 ans, on a énormément rigolé. Je repense à ces 300 protège-slips que j’ai commandés par erreur et qu’on a mis plus de trois ans à vendre, ce qui m’a valu le surnom de “Miss Boulette” par les collègues. Ou encore l’épisode du pouzzolane, une roche volcanique qu’on utilise en jardinage pour réguler l’humidité de la terre. J’ai commandé une palette de sacs de 20 kilos : ça pèse un âne mort… on a mis du temps à les vendre car c’est compliqué à transporter chez soi ! Je n’oublierai jamais les fous rires en découvrant les suggestions de produits dans le cahier des membres, dont le papier toilette “en vrac”. Ni les lundis matins de ménage pendant le confinement, où on se retrouvait en bande à mettre la musique à fond dans tout le magasin… J’ai adoré travailler dans cette ambiance détendue et bon enfant.

J’ai tellement de personnes à remercier. D’abord mes collègues, pour m’avoir fait confiance dès le début. Me proposer de devenir salariée de La Louve si tôt dans l’aventure a été un très beau cadeau. Merci à tous ces coopérateurs et toutes ces coopératrices qui sont devenus des potes, avec qui j’ai adoré boire des coups, faire la fête et papoter entre deux rayons, ce qui parfois m’empêchait de travailler… Enfin, merci à tous les collaborateurs de La Louve : vous m’avez montré la force du modèle collectif. Cette expérience à La Louve m’a donné envie de continuer dans cette voie, et me pousse à aller encore plus loin aujourd’hui !

Je vous attends de pied ferme dans ma future ferme collective, que ce soit pour donner un coup de main ou juste passer prendre des nouvelles !

A bientôt pour de nouvelles aventures !

Et pour fêter ce départ, rdv le samedi 28 septembre au Bar commun à partir de 19h (consommations au Bar et possibilité d’amener quelque chose à grignoter).